- BYZANTINS (CHRONIQUEURS)
- BYZANTINS (CHRONIQUEURS)BYZANTINS CHRONIQUEURSComme les Grecs de l’Antiquité, les Byzantins nous ont laissé une ample littérature historique. La transmission de ce savoir fut assurée par les historiens et par les chroniqueurs. Si les historiens traitent de périodes limitées dans le temps et emploient une langue recherchée, imitant celle des auteurs classiques, les chroniqueurs ont pour objet de narrer l’histoire universelle depuis la création du monde jusqu’à leur époque, ce qui leur interdit d’écrire un récit comprenant de nombreux détails. À la différence des historiens, ils n’analysent guère leurs sources et se contentent de les compiler avec un bonheur inégal, en utilisant parfois des textes aujourd’hui perdus.Souvent issus des milieux ecclésiastiques, les chroniqueurs nous livrent le point de vue de l’Église sur l’histoire. Ils s’adressent à un public assez large — selon les normes byzantines — en utilisant une langue simple, voire populaire, qui nous renseigne sur l’évolution du grec médiéval. Si certains commentateurs ont pu être irrités par les naïvetés ou par l’étroitesse de vue des chroniqueurs, il ne faut pas oublier que, bien davantage que les historiens, ces derniers furent traduits ou imités au Moyen Âge, que ce soit dans l’Occident latin ou dans les chrétientés orientales. On peut répartir ces textes si révélateurs de leur époque en quatre groupes: les chroniques de la haute époque, les grandes chroniques des VIIe-IXe siècles, les chroniques liées à l’encyclopédisme du Xe siècle et celles des derniers siècles.Les premières chroniques sont dues à des Orientaux, dont le grec n’était pas toujours la langue maternelle. Ainsi Malalas était-il un Syrien grécisé, originaire d’Antioche qui tient une grande place dans sa chronique. Malgré ses erreurs — il fait de Cicéron et de Salluste des poètes syriens —, Malalas fixe les traits constitutifs du genre. Sa chronique allait jusqu’au règne de Justinien. Elle fut poursuivie jusqu’en 610 par celle de Jean d’Antioche, en grande partie perdue.À partir du VIIe siècle, des ecclésiastiques fixés à Constantinople et proches du milieu patriarcal reprirent la tradition. Sous le règne d’Héraclius (610-641) fut écrite la Chronique pascale , d’un intérêt mineur. Beaucoup plus importante est celle qui est attribuée au moine Théophane (appelé aussi le Confesseur). Elle traite de la période allant de 284 à 813 et contient une innovation réelle. Théophane procède par sections correspondant à une année, au début desquelles il place des tables chronologiques comprenant l’année du monde, l’année chrétienne, l’année des règnes de l’empereur byzantin, du souverain perse, puis arabe, des papes et des patriarches. Son ouvrage, écrit en une langue simple, utilise des sources perdues et revêt une exceptionnelle importance pour l’histoire des VIIe-VIIIe siècles. Plus encore que les autres chroniqueurs, Théophane se montre hostile aux iconoclastes. Cet ouvrage fut traduit en latin dès la fin du IXe siècle par Anastase le Bibliothécaire. Nicéphore, qui fut patriarche de Constantinople de 806 à 815, a laissé une chronique moins détaillée que celle de Théophane ainsi qu’un catalogue chronologique allant de la création du monde à 829. Ces chroniques furent poursuivies jusqu’à la chute des iconoclastes en 843 par celle de Georges le Moine. Citons enfin les chroniques locales, dont la plus connue est celle dite de Monemvasie (Péloponnèse), ainsi que les chroniques orientales. Pour le VIIe siècle, nous connaissons surtout celles qu’écrivirent Jean, évêque de la ville égyptienne de Nikiou — et qui nous est transmise par une traduction éthiopienne —, et l’évêque arménien Sébéos. Parmi les chroniques syriaques postérieures, il faut retenir les ouvrages d’Élie de Nisibe et de Michel le Syrien.L’encyclopédisme du Xe siècle influença le genre de la chronique. Du règne de Constantin VII date la Continuation de Théophane , qui exalte la légitimité de la dynastie macédonienne. Ce texte ne doit pas faire oublier la chronique écrite à la même époque par Syméon Logothète, qui était un haut fonctionnaire impérial. L’esprit antiquisant de l’empereur se fait sentir dans la chronique qu’écrivit à la fin du Xe siècle Léon le Diacre.Désormais le genre de la chronique devait décliner, à un moment où les historiens byzantins rivalisaient de talent. Les chroniques rédigées aux XIe-XIIe siècles par Skylitzès, Kédrènos et Zônaras sont d’un intérêt moindre que les textes historiques. Au XIIe siècle, Constantin Manassès laissa une chronique versifiée; ce procédé fut repris deux siècles plus tard par Ephrem.Après la prise de Constantinople par les croisés en 1204, on ne devait plus compter que quelques chroniques mineures. Ce genre n’était-il pas mieux adapté aux époques où s’affirmait la puissance de l’empire chrétien, selon un plan voulu par Dieu? Les rapides mutations qui accompagnèrent le déclin, puis la chute de Byzance appelaient la composition de livres historiques, dont l’essor caractérisa la production intellectuelle des derniers siècles de l’empire.
Encyclopédie Universelle. 2012.